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Oreilles de loup découvertes dans un fonds d'archives à Liège

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16/03/2012 - Inventoriage - Divers - Archives de l'État à Liège

En 2012, deux oreilles de loups, en excellent état de conservation, ont été découvertes dans les dossiers de la Préfecture de l’Ourthe. Un lien a pu être établi entre ces oreilles et deux demandes de primes pour extermination d’animaux nuisibles, également conservées dans le fonds.

Conservées aux Archives de l’État à Liège, les archives du département de l’Ourthe forment un des fonds les plus riches sur le régime français (1795-1814), soit environ 350 mètres linéaires. En 2012, deux oreilles de loups, en excellent état de conservation, ont été découvertes dans les dossiers de la Préfecture de l’Ourthe, égarées dans un portefeuille de dossiers généraux relatifs à l’agriculture. Un lien a pu être établi entre ces oreilles et deux demandes de primes pour extermination d’animaux nuisibles, également conservées dans le fonds.

Primes pour l'abattage des loups

L’abolition des privilèges de l’Ancien Régime en matière de chasse avait eu pour conséquence, en quelques années seulement, une diminution tangible de la population des gibiers, mais pas du nombre de loups. Commençant à manquer de nourriture, les loups s’attaquaient de plus en plus fréquemment au bétail et à la volaille. Face aux ravages causés dans le département par des meutes entières, des traques sont organisées et des primes octroyées par les autorités. Le montant de ces primes a fortement varié suivant l’époque et le département jusqu’à ce que le ministre de l’Intérieur fixe en 1807 les taux suivants : 18 francs pour une louve pleine, 15 francs pour une louve non pleine, 12 francs pour un loup et 3 francs pour un louveteau, dans le but d’uniformiser les tarifs en vigueur dans l’Empire. Les sommes étaient inférieures à celles payées jusqu’alors dans le département de l’Ourthe, mais elles restaient considérables au regard des revenus ordinaires, une journée d’ouvrier valant grosso modo un franc.

Dans son arrêté, le préfet de l’Ourthe se réservait du reste le droit de verser des récompenses extraordinaires aux citoyens s’illustrant dans la lutte contre ce « fléau » par la destruction d’un grand nombre de « nuisibles ».

D’autres mesures furent prises à la même époque : la nomination d’un Grand Veneur de l’Empire, qui désignait à son tour les capitaines de louveterie chargés d’agir dans l’étendue d’une conservation forestière, elle-même subdivisée en territoires forestiers contrôlés chacun par un lieutenant de louveterie. Les louvetiers reprennent la direction des chasses et des battues. Le ressort de la 23e Conservation forestière s’étend aux départements de l’Ourthe, de la Roër, de Sambre-et-Meuse et de la Meuse-Inférieure. Le département de l’Ourthe était à son tour subdivisé en trois lieutenances, délimitées par la Meuse et l’Ourthe.

Les résultats de ces mesures sont impressionnants. En une dizaine d’années, près de 15.000 animaux ont été abattus sur le territoire de l’Empire.

Loups identifiés...

D’après le procès-verbal rédigé par le maire d’Aywaille, le loup âgé de deux ans a été abattu d’un coup de fusil par Jean Mathieu Fontaine, garde-forestier du bois communal dit de la Porallée le 29 décembre 1807. Conformément à la circulaire du ministre de l’Intérieur du 25 septembre 1807, la tête de l’animal fut coupée et envoyée au sous-préfet avec le procès-verbal. Il s’agissait évidemment d’éviter que la prime soit réclamée plusieurs fois. Le préfet remplissant également, à cette époque, la fonction de sous-préfet de l’arrondissement de Liège, la tête du loup tué à Aywaille fut expédiée à Liège. La correspondance évoque les « mesures nécessaires » prises pour éviter que la tête soit à nouveau présentée par quelqu’un d’autre : c’est sans doute la raison pour laquelle une oreille était coupée.

La seconde oreille découverte est celle d’un loup âgé de sept ans d’après le procès-verbal de la mairie. Il a été abattu sur le grand chemin de la commune de Tavier (arrondissement de Huy) le 16 septembre 1807 par Lambert Hausman, habitant du lieu.

D’après Jean-Marc Moriceau, professeur d’histoire à l’Université de Caen et coordinateur d’un vaste projet de recherche sur les rapports entre le loup et l’homme en Europe, il s’agit là de spécimens uniques en leur genre. Jean-Marc Moriceau est l’auteur, entre autres, de deux livres consacrés à ce sujet : Histoire du méchant loup. 3000 attaques sur l’homme en France XVe-XXe siècle (Paris, Fayard, 2007) et L’homme contre le loup. Une guerre de deux mille ans (Paris, Fayard, 2011).

Ces « pièces » ont été exposées au Musée royal de Mariemont dans le cadre de l'exposition Ô Loup ! De nos campagnes à nos imaginaires (7 avril - 2 septembre 2012).

Pour en savoir plus

Page mise à jour le 03 avril 2023.

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